La section CGT des cadres des CFA du BTP publie le communiqué suivant

Le décès dans les conditions dramatiques que l’on sait de notre collègue Momar Seck du CFA de Montpellier n’est pas un cas isolé dans notre réseau, et nous devons malheureusement constater que les cadres, et en particulier les directeurs, paient ces dernières années un lourd tribut à l’exercice de leur fonction. La coïncidence avec l’effondrement de notre activité ne peut être éludée. Dans un dispositif qui se prévaut de « valeurs » partagées, on pourrait s’attendre à ce que cette multiplication de drames provoque une réflexion salutaire sur les conditions d’exercice de nos métiers. Il semble malheureusement qu’il n’en est rien, et que chacun se précipite une nouvelle fois sur les explications les plus commodes, les moins dérangeantes quitte à mettre durement et dangereusement en cause la responsabilité individuelle de tel ou tel salarié du réseau.

La seule réponse proposée par les responsables du CCCA-BTP de « professionnaliser » les équipes de directions est dans le contexte particulièrement insoutenable : le facteur désigné comme responsable de ces crises majeures serait un manque de professionnalisme des cadres des CFA !

Combien faudra-t-il de nouveaux drames ? Où le compteur macabre devra-t-il s’arrêter pour qu’enfin on se pose sérieusement et honnêtement les bonnes questions ?

Il est temps de le dire clairement : il y a quelque chose de pathologique dans le fonctionnement des CFA du CCCA-BTP. Que le durcissement des conditions de travail de l’ensemble des personnels et des relations sociales ces dernières années focalise sur l’encadrement des attentes et un ressentiment exacerbés, chaque cadre de CFA le constate au quotidien, et nous comprenons trop bien que cela puisse devenir parfois simplement invivable.

Il est frappant de constater combien à chaque occasion de rencontres régionales ou nationales des directeurs ou adjoints, les discussions et débats se polarisent sur une réelle ou prétendue adversité que l’encadrement rencontrerait systématiquement dans les équipes. Recherche du moindre effort, incapacité professionnelle, malhonnêteté… : dans cette catharsis obsessionnelle, les mots ne sont jamais assez durs pour caractériser les tares supposées qui affecteraient nos collaborateurs que, soit dit en passant, nous recrutons, formons et accompagnons nous-mêmes et dont nous fixons les conditions concrètes d’exercice de leurs tâches professionnelles.

Quand cesserons-nous de construire nos représentations sur cette figure de l’ennemi tapi en permanence dans nos CFA ? Comment en est-on arrivé là et pourquoi le vivons-nous aujourd’hui sur un mode aussi tragique ?

Avançons quelques hypothèses. En éloignant du terrain les centres de prise de décision, les vrais lieux de pouvoir, la régionalisation a accouché d’une définition très renouvelée du poste de directeur de CFA. A la fois moins associé aux décisions stratégiques, et plus seul pour les faire appliquer, il endosse un rôle particulièrement complexe et contradictoire dans ce qu’ils appellent la Gestion des « Ressources Humaines » (sic). Dans un contexte économique très tendu, il se retrouve exécuteur des basses-œuvres, sommé de choisir son camp et directement exposé à la vindicte de ceux qui en subissent les conséquences. Le peu de soutien dont les équipes de direction bénéficient dans les situations de grande difficulté est malheureusement flagrant dans de trop nombreuses régions.

En outre, incapables de trouver une réponse structurée, stable et efficace à la crise inédite de nos CFA qui voient sans véritable réaction leurs effectifs et activité s’effondrer, le CCCA-BTP et son réseau se réfugient trop systématiquement dans une culpabilisation des personnels subalternes, censés mériter par leurs faiblesses et insuffisances le sort qui leur est réservé. Infusée dans tout le dispositif, du sommet à la base, cette logique redoutable de la culpabilité généralisée condamne les directions de CFA à une posture intenable.

Arcboutés par manque de lucidité et pour des raisons idéologiques sur une hyperspécialisation sur les premiers niveaux de qualification, incapables d’imposer les CFA paritaires comme des acteurs crédibles et légitimes dans de nouveaux secteurs d’activité, notamment face à des structures patronales et consulaires concurrentes, les pilotes du dispositif national préfèrent fuir la responsabilité de leur bilan en pointant les supposés manquement des personnels des CFA. Ce faisant, ils ajoutent aux décisions économiques redoutables une méthode et un discours particulièrement odieux que les directions se retrouvent à assumer sur le terrain.

Nous avons besoin de changer radicalement d’état d’esprit. Nous avons besoin de poser sur nos fonctionnements un regard neuf. Nous avons besoin que les équipes de direction soient accompagnées dans une démarche de reconstruction de la confiance avec les salariés des CFA, quelle que soit la difficulté toute particulière de notre contexte économique et social. Nous espérons que les renouvellements en cours au sein du CCCA-BTP constitueront une opportunité de procéder enfin à cette analyse sérieuse.

 

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